lundi 9 avril 2007

TEXTE COLLECTIF - MEMOIRES D'UN SURHOMME - 2e ENTREE

Par Georgéus Gréco, édité par G. Barbe


17 Juin 1966 : L’amnésique aux bras d’acier (partie B)

Mes souvenirs, enfin, des souvenirs, me reviennent peu à peu, troubles, parfois contradictoires.

Je suis Georgeus Greco, l’Hymerlord, le surhomme hymerique au service du KISS.

Mais je suis aussi Georgeus Greco, la star montante à la carrière brisée, car les flashs de mon ascension vertigineuse des palmarès inondent mes souvenirs. Pourtant, chacun s’éteint dans l’ombre de l’échec de cette même carrière, et un grondement au fond de moi crie que c’est moi qui ai prémédité ma chute, couvrant une petite voix qui me murmure qu’il n’y avait d’autres choix. Mais pourquoi ?

Je me rappelle un adolescent de 14 ans, à qui on avsit acheté sa première guitare, et ses premières paroles qui s’étaient alignées sur 2 accords barrés dans un garage de Lévis :

Je chante du yéyé

Parce que c’est bon

Parce que c’est yéyé

Et les airs de tous les groupes qui venaient des States, et les rumeurs de tous ces héros, disparus après la guerre dans la grande noirceur du Maccarthisme, et qui maintenant revenaient, certains anciens, certains nouveaux, et les essais nucléaire dans le Pacifique, et les soucoupes volantes, et le King.

Je me rappelle Miséricorde Murmure, inventé avec tous ces génies du yéyé, une bière à la main autour de la table en stratifié d’un dinner en refaisant le monde pendant que les Sinners chantaient.

Miséricorde Murmure qui ne verra jamais le jour et que d’autres ressusciteront sous un nom à la fois différent et semblable.

Je me rappelle aussi lorsque l’aiguille du tourne-disque s’était posée sur le microsillon et que les premiers sons avaient emplis la pièce, alors que je fixais la pochette où apparaissait comme celui d’un fantôme de l’opéra de demain, le visage voilé de Jean-Jacques Perry : Mister Ondioline. Je m’étais tourné vers Sheila qui m’avait souri, puis vers Tony et je lui avait dit : « un jour, ce seront les machines qui feront la musique à notre place. Il n,y aura plus de misère, ce sera le début d’un temps nouveau. Nous n’aurons plus qu’à écouter, nous parlerons la langue des poètes. Emportés dans un voyage merveilleux, nous serons tels des dieux ! »

Il m’avait souri, les yeux plein de tristesse devant mon innocence et avait appuyé son menton sur la crosse de sa guitare, comme pour s’empêcher de crier, crier, crier. Après un moment d’égarement, son regard revint vers moi.

-Peut-être. Ouais, peut-être, un jour. Mais nous, nous serons morts, mon frère.

Nous avions argumenté un temps, puis Sheila était partie. Nous n’étions vraiment pas marrant ce soir, supposément. Mais Tony ne me suivit pas. Personne ne me suivait, en fait. Tous étaient pris par cette fascination pour les sons qui venaient des États-Unis et d’Angleterre, et déjà, en réaction, certains voyaient l’importance de défendre à tout prix notre culture canadienne française, voire québécoise. Mais tout cela collait sur moi comme de l’eau sur le dos d’un canard. Je regardais au loin, par delà le rock’n’roll, par delà les identités nationales, par delà même le péril atomique. Avant tout autre, je voyais le monde de demain, mieux, je l’entendais. Et je savais que l’avenir passait par les couleurs et les sons.

Tout est encore flou, mais je sais que c’est de là que tout est parti. D’une première guitare, de quelques accords bien campés, de quelques disques de l’avant-garde électronique. Une obsession de comprendre le son, de le maîtriser qui m’a amenée bien loin au-delà de ma quête.

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